« Vers l’éradication de l’analphabétisme en ce 8 septembre »
A l’occasion de la journée internationale de l’Alphabétisation, la Direction de la Planification attire l’attention de la Ministre de l’éducation, Mme Marie Lucie Joseph, sur l’importance de l’éradication de l’analphabétisme en Haïti. Et c’est aussi l’un des objectifs du Congrès de N.Y de 2015, prôné par le système des Nations-Unies à l’horizon temporel 2030.
Et figuré dans le Plan opérationnel d’éducation (2010-2015), considéré comme un éléphant blanc, jamais implémenté voire appliqué. Faute de consensus au niveau de la politique mais aussi des promesses des agences d’aide sur le terrain non honorées.
Et l’on comprendra facilement qu’un pays ne peut connaitre un niveau de modernité voire de développement durable si une bonne partie de sa population active de 15 à 60 ans est encore analphabète.
Présentement, le taux d’analphabétisme avoisine les 38% chez nous. Restant encore assez élevé, ce taux tend toutefois à diminuer. Par ailleurs, il importe de souligner que ce phénomène semble toucher davantage de femmes que des hommes.
Alors que le taux net de scolarisation des enfants s’évalue à quelque 88% qui n’est qu’un leurre en raison de la forte part des parents d’élève a l’éducation, soutenue par la Diaspora qui déverse plus de trois (3) milliards de dollars dans l’économie nationale. Une manne qui va à la consommation et à l’éducation selon les économistes.
Des études ont révélé que pour fermer la vanne qui produit des analphabètes, les pouvoirs publics doivent mobiliser davantage de ressources vers la scolarisation universelle de tous les enfants en âge d’admission de façon gratuite et obligatoire selon la Constitution haïtienne et les instruments internationaux auxquels a adhéré le pays.
Le Ministère, dans sa politique volontariste, ne s’intéresse pas seulement à l’éducation formelle de type d’enseignement de base mais aussi à l’éducation non formelle de type d’alphabétisation. Et pourquoi pas à l’efficacité interne en donnant une importance considérable à la réussite scolaire des cohortes mais aussi au rendement externe pour s’attaquer à la problématique du marché de l’emploi.
Les autorités pédagogiques à travers la Secrétairerie d’Etat à l’Alphabétisation doivent développer des mécanismes en faisant appel à la gent scolaire au cours des vacances pour se lancer dans des campagnes aux fins d’éradication des 38% restants d’analphabète dans le pays. Et hormis toutes considérations d’ordre idéologique.
Aussi faut-il mettre en place des activités post-alpha et une passerelle d’éducation des adultes aux fins d’orientation des neo-alphabetises et des jeunes des cours du soir vers l’apprentissage des métiers et pourquoi pas vers le Fondamental ou le Secondaire si besoin se fait sentir.
Il faut dire qu’avec la pandémie de la covid-19, l’Unesco travaille sur d’autres stratégies comme l’exploration de l’interaction entre l’alphabétisation et les compétences numériques et les factions dont ces compétences peuvent être intégrées de manière significative dans les programmes d’alphabétisation.
Je m’en voudrais ne pas terminer sans partager avec vous, ne serait-ce sous forme d’appendice, l’historicité de l’Alphabétisation en Haïti.
Les premières initiatives dans ce domaine remontent aux années 40 sous le gouvernement d’Elie Lescot. En 1947, celui de Dumarsais Estimé montait une Direction Générale des Adultes et édictait une loi d’orientation pour le lancement d’une deuxième « campagne de desanalphabetisation ». Cette campagne a été inaugurée à Marbial dans le Sud-est du pays, avec le soutien de l’Unesco, une première mondiale en termes d’expérience pilote.
En 1957, l’avènement du Dr François Duvalier à la présidence du pays favorisera le lancement d’une troisième « campagne d’alphabétisation » qui prendra fin en 1961 avec la création de l’ONEC et qui sera remplacé plus tard par l’ONAAC.
Et en 1986, la Mission Alpha de l’Eglise catholique lance officiellement sa grande phase d’alphabétisation dans 74 paroisses, puis une deuxième phase touchant environ 60.000 analphabètes qui sera interrompue brutalement en mai 1988.
Peu de temps après la Mission Alpha, le 20 mai 1986, le pouvoir en place procède à la fermeture de l’ONAAC et a son remplacement par l’ONPEP. En aout 88, Henry Namphy ferme l’ONPEP pour le remplacer par l’ONECA.
En mars 1991, le Président J. B. Aristide crée le Bureau National d’Alphabétisation mais le pronunciamiento de Cedras en septembre de la même année orchestré contre lui met fin à tous les espoirs.
A son retour d’exil en octobre 1994, il crée par arrêté présidentiel, la Secrétairerie d’Etat à l’Alphabétisation. Et quelques années plus tard soit en 2001, le Président réélu lancera une nouvelle campagne nationale d’alphabétisation avec des slogans alfa lape, alfa ekonomik, bousillée par des manifestions intempestives et des grèves sauvages dans le pays.
Et l’expérience cubaine des années récentes avec « YO SI PUEDO » ou « Wi mwen kapap » n’est pas évaluée jusqu’à présent.
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Yves ROBLIN, Spécialiste en planification de l’éducation et Directeur de la Planification. Auteur « Covid-19 et les outils de planification du système d’éducation en Haïti ».