Qu’en est-il vraiment ?
Cela fait belle lurette que nous exaltons un groupe d’écoles qui offrent une certaine éducation de qualité.Cependant, nous ne nous rendons pas compte que, ce que nous appelons, très souvent les “grandes écoles” en Haïti, ne sont que les tutélaires d’un système éducatif truffé de discrimination de tout genre. Ces écoles-là profitent de la faiblesse de l’état pour asseoir leur empire jusqu’à incruster dans la tête de tous qu’elles sont le nouveau paradigme dans le système éducatif haïtien.
Or, pour parler de l’éducation de qualité, il ne suffit pas d’accoucher un groupe d’enfants avec de bonnes notes à la fin de chaque année scolaire. Parler d’éducation de qualité n’a rien à voir non plus avec la censure de l’enfant si ce dernier ne s’exprime pas en français dans sa salle de classe. Parler de l’éducation de qualité n’est pas non plus, enseigner à l’enfant à snober ses congénères.
De multiples définitions ont été données pour l’éducation de qualité, mais pour moi, la plus convaincante est celle donnée par les syndicats d’enseignants, rapportée par CSEE[1]. » Une éducation de qualité est celle qui s’adapte le mieux aux besoins présents et futurs des apprenants et de la communauté, compte tenu de la particularité des circonstances et des perspectives. Le concept de qualité doit également englober le développement du potentiel de chacun des membres d’une nouvelle génération. »
L’éducation de qualité tient compte des besoins de l’apprenant, mais aussi de la société. Si la société a des besoins, cela sous-entend qu’elle est dynamique ; donc, elle est appelée à évoluer. De plus, pour que la société puisse évoluer, elle sollicite le concours non seulement des hommes, mais aussi celui des hommes en devenir. Le problème dans notre pays, les écoles qu’on qualifie de grandes écoles, sont pour la plupart sectaires, partiales, inaccessibles à tout le monde.
Je me veux être iconoclaste pour dire que nos soi-disant grandes écoles trahissent l’objectif du forum mondial sur l’éducation qui a eu lieu à Dakar, qui dans sa visée voulait une éducation de qualité pour tous. Dans le rapport final sur le forum, en ce qui a trait l’éducation intégratrice, voici ce qui était dit : » Le concept » d’éducation intégratrice » a émergé en réponse à un consensus grandissant selon lequel chaque enfant a droit à une éducation, là où il vit, indépendamment de son milieu, de ses capacités ou de ses handicaps[2]« .
Il est vrai que dans cette partie, le contexte montre qu’on parle de besoins éducatifs spéciaux, mais l’idée reste inchangée : l’éducation pour tous (EPT). Ce qui est intéressant, il est mentionné qu’on ne doit pas tenir compte de la capacité de l’enfant pour lui refuser l’éducation. Or, nos grandes écoles ont tendance à expulser l’apprenant qui obtient 5 de moyenne. Elles n’ont pas vraiment la patience pour accompagner l’apprenant afin que celui-ci puisse combler ses lacunes. L’élève est admis ailleurs dès qu’il régresse. Elles font le tri pour garder les doués et les surdoués. Que nul n’y pénètre, s’il n’est pas surdoué !
Ce qui est plus frustrant, ce sont les parents qui font tout le sale boulot dans la majorité des cas, la maison prend la place de l’école. C’est pourquoi, elles favorisent les parents cultivés pouvant non seulement bien payer l’écolage, mais aussi assurer le boulot à la maison. Le tri scolaire qu’exercent ces écoles-là est une politique mise en place pour garder et soigner leurs images même si c’est au détriment de l’apprenant et de la communauté.
En guise de conclusion, je dirais ce que nous appelons en Haïti les grandes écoles alors qu’elles sont en quête des surdoués, sont de préférence des spécialistes en tri scolaire. C’est la faiblesse et le manque de moyens de l’état qui leur donnent d’être aussi puissantes. Le jour où l’état aura la capacité de prendre en main le système éducatif haïtien, nous verrons clairement leurs faiblesses. Que ce jour arrive promptement !
[1] La qualité dans l’éducation (2002)
[2] Forum mondial sur l’éducation, Dakar, Sénégal, Rapport final page 18
Crédit Photo: (c) George Becker
