s’appuyer sur la loi du 19 novembre 2007 créant l’Office National de Partenariat en Education (ONAPE) en Haïti
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En élaborant ce texte, je condamne énergiquement le kidnapping des employés du Ministère de l’Education dont le DG de l’ONAPE, survenu le dimanche 25 septembre 2022 dans l’aire du Champs de mars (Port-au-Prince) a une semaine de la rentrée des classes. Et que les Responsables prennent leur responsabilité. Aussi demande-je la libération de ces valeureux fonctionnaires ayant la vocation des services publics.
Selon le Plan Décennal d’Education et de Formation (2020-2030), tous les enfants de la tranche d’âge (6-11 ans) doivent avoir une place assise à l’école de façon gratuite et obligatoire. Et d’ailleurs, quels que soient le genre, le handicap et les couches sociales de l’apprenant. Cet output est en congruence avec l’ODD4 de la feuille de route, issue du Congrès de New-York de 2015 et la Déclaration d’Incheon en Corée du Sud de la même année sous les auspices de l’UNESCO.
Le droit à l’éducation !
Aussi ce droit s’inscrit-il en ligne droite des efforts nationaux pour accroitre l’accès de tous les enfants a un enseignement primaire de qualité. Ce dernier est consacré également dans l’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen du 10 Décembre 1948 et de la Constitution haïtienne de 1987 amendée dans son article 32.1 mettant l’accent sur la gratuité de l’enseignement primaire ainsi que d’autres instruments internationaux auxquels a adhéré le Pays comme la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par le Parlement haïtien en novembre 1994.
Quid de la Scolarisation primaire universelle ?
C’est une expression utilisée dans les assises internationales correspondant au cycle primaire où tous les enfants en âge d’admission devraient être à l’école. Toujours est-il que cette stratégie promeut la satisfaction de la demande sociale ou l’augmentation de l’offre scolaire. Le taux net de scolarisation ou la population scolarisée est donc un indicateur plus fiable pour suivre les progrès vers cet objectif.
Une offre publique de 25% face à la demande des parents d’élève !
* Le diagnostic du système éducatif indique que 25% seulement d’enfants sont scolarisés dans le Public au niveau de l’enseignement primaire ou fondamental soit 624.105 élèves des écoles nationales qui sont des heureux bénéficiaires de la gratuité. Le Ministère de l’éducation compte passer de 25% de l’année de base To de la Planification (2020) à 90% à l’horizon temporel 2030.
Vers un meilleur rendement interne !
Quant aux enseignants de l’école de base, le taux de qualification s’estime à environ 35%. Nous voulions passer à quelques 70% à un horizon pas trop lointain. Grace à des mesures compensatoires comme la passation automatique et l’évaluation formative, antidotes aux échecs scolaires ; le système éducatif connaitra une meilleure efficacité interne pour ainsi dire la cohorte scolaire entrant en 1ere année d’études ne peinera pas pour atteindre le taux d’achèvement comme la dernière classe ou la 6eme année du Fondamental (ancien primaire) et également considéré comme taux de survie ou espérance de vie scolaire. A part la qualification des maitres, les pouvoirs publics doivent envisager à doter les écoles en matériels didactiques et en soins de santé et nutrition.
Quand l’école est de qualité et que les principes de l’administration scolaire comme la planification pédagogique sont appliques, les élèves sortent avec des acquis de compétence.
Pas de zones de non-droit comme rentabilité de l’éducation
Tenant compte des tensions sociales et de la pauvreté abjecte, la seule planche de salut du pays, c’est d’investir davantage dans l’éducation par un choix judicieux à faire dans le cadre de l’analyse cout-bénéfice. Pour que plus tard c’est-à-dire dans 10, 15 ans, en raison des politiques publiques de scolarisation, nous n’ayons pas comme aujourd’hui des zones criminogènes comme martissant, village de Dieu (Entrée Sud de P-au-P) et une partie de la croix-des-bouquets. Voire une insécurité grandissante comme fait social en sociologie marqué par des cas de kidnapping et d’assassinat crapuleux.
Les ressources publiques au profit de l’offre scolaire.
Le Trésor Public doit prendre en charge la question de l’accès des enfants à l’école avec une politique malthusienne visant la réduction des naissances ainsi que la question de carte scolaire avec son principe cardinal « pas de demande potentielle d’éducation, pas d’implantation d’école » aux fins d’optimisation des ressources allouée. Tout en pensant à des solutions à géométrie variable notamment à la délocalisation des écoles se trouvant près des ravins et des marches publics. Sans nier la promotion d’une école de proximité, point d’orgue de la carte prospective en raison surtout des aléas et du prix de l’essence.
2% sur la masse salariale au profit de la scolarisation
Les planificateurs de l’éducation doivent cibler d’autres sources de financement tout en proposant de prélever un quantum de taxes sur l’alcool, la cigarette et le voyage d’agrément. Aussi peut-on penser à un droit de péage sur les nouvelles routes. Et sur la masse salariale de l’administration, 2% est à déduire sur le secteur porteur comme la téléphonie, les pouvoirs publics peuvent repenser les contrats originels de type léonin au profit de l’éducation.
Les divers dons de l’accord bi et multilatéral seront mobilisés vers l’autre volet de la scolarisation universelle qu’est la qualification des maitres. Et que l’Etat maintienne, toutefois, la même part dédiée du budget national vers la qualité de l’enseignement en raison du cadre probabiliste de l’aide externe.
Equité dans la subvention des écoles
L’Etat doit donner une subvention à tous les établissements accrédités afin d’alléger la bourse des familles. En regard de l’analyse cout-efficacité, le Ministère de l’éducation peut s’acheter des places assises là où il n’y a pas d’école publique. Hormis le budget devant s’augmenter, un cadre de partenariat public-privé aura à construire avec l’Office National de Partenariat en Education (ONAPE) selon la loi du 19 novembre 2007, publiée dans le Journal officiel « Le Moniteur » sous le Gouvernement Alexis-Préval.
Aussi convient-il de mentionner, dans l’objectif d’application, la loi de Janvier 2017 sur les frais scolaires, connue sous l’appellation de « loi du Sénateur Kelly C. Bastien » et publiée également sous le Gouvernement provisoire de Jean Charles- Privert. C’est l’une des revendications des syndicats d’enseignants voire de l’Association des Parents d’élève.
La bonne gouvernance
Comme nouveau paradigme au même titre que la reddition des comptes, l’alternance en matière électorale et le respect des libertés fondamentales ; la bonne gouvernance en tant qu’élément de transversalité et de récurrence regroupant le cadre légal, la base de données et le monitoring, est primordiale pour l’atteinte de grands objectifs en matière d’éducation. Que ce soit l’accroissement de l’accès des enfants à l’école, que ce soit l’amélioration de la qualité de l’enseignement et que ce soit le rééquilibrage entre l’offre de formation et la demande du marché de l’emploi pour parler d’un meilleur rendement externe.
Tout ceci requiert un consensus au niveau des acteurs politiques en vue de mettre fin à cette crise, perçue comme un irritant a toute forme de prospective. En ce sens, que nous ayons un Exécutif qui exécute tout en respectant le temps constitutionnel et le temps électoral pour ainsi dire en organisant des élections de façon régulière, un Parlement qui parlemente en votant des lois d’intérêt public, un Judiciaire qui rend la justice dans un esprit d’équité, pas d’instrumentalisation et que nous ayons enfin des Forces de l’ordre qui mettent de l’ordre dans la ville en traquant les bandits armés ainsi qu’une Administration qui administre en se démarquant des opérations marginales pour parler de la corruption ayant décrédibilisé les institutions haïtiennes aux yeux de l’Internationale.
Il faut dire en passant qu’à propos des concussions et des malversations, le poisson est toujours pourri par la tête. Et que parfois, l’eau est tellement sale, même les autres ne veulent pas y vivre. .quelle métaphore !
Des problèmes à résoudre par le Gouvernement.
Dans la même veine, je m’inscris dans la démarche de l’école systémique en psychologie de Palo Alto voyant le patient dans toute son intégralité aux fins de palliatifs nécessaires. Et selon le sociologue franco-russe, Georges Gurvitch, l’approche doit être holistique puisque les phénomènes sont globaux- totaux.
Et si on veut développer l’éducation au point de vue quantitatif et qualitatif, il faut s’inspirer non seulement des modèles de systèmes efficaces d’éducation suivant le PISA* comme la Finlande, le Japon, le Canada et la Taiwan. Mais aussi des mécanismes a développer pour l’amélioration de la qualité de vie de la population tout en décelant cinq (5) problèmes à résoudre de façon gradualiste savoir : les problèmes de l’insuffisance alimentaire, de logements sociaux, de la gratuité de l’enseignement, de la santé ainsi que celui de la modernisation du transport en commun.
Au final, l’atteinte de la scolarisation primaire universelle aura des retombées notables sur le plan politique, social et économique du pays. Et en clair, la réduction des disparités entre ville-campagne, école confessionnelle-école laïque et pourquoi pas sur l’éradication de l’analphabétisme des adultes. Car, quand on mobilise des ressources vers la scolarisation des enfants, cela va fermer la vanne qui déverse des analphabètes. En regard des programmes-projets du Plan décennal d’éducation, l’Etat central en lien avec les pouvoirs locaux doit augmenter la part du budget national ou celle du PIB consacrée à l’éducation et favoriser un climat stable pour la croissance économique et le progrès social.
*PISA : programme International de l’Evaluation des Acquis. Enquête scolaire du Ministère de l’éducation (2015-2016), Projection 19-20.
Yves ROBLIN,
Diplômé de l’Institut International de Planification de l’Education de Paris et de l’Ecole Normale Supérieure de Port-au-Prince
Auteur de : « Covid-19 et les outils de planification du système d’éducation en Haïti »
Disponible en Librairie : la Presse Evangélique et la Pléiade.