Accueil GOUVERNANCE La carte scolaire : outil d’administration de l’éducation

La carte scolaire : outil d’administration de l’éducation

23 minutes de lecture

Face à la demande sociale d’éducation et l’exigence de la qualité depuis la feuille de route de Dakar 2000, les pouvoirs publics doivent développer des outils de pilotage aux fins d’une gestion rationnelle du secteur comme la carte scolaire et le SIGE. Les deux marchent de pair c’est comme le hardware et le software pour utiliser un langage informatique.

Nous pensons que si les décideurs politiques voulaient arriver à un meilleur rapport cout-efficacité à l’occasion de la mise en œuvre du plan d’éducation tout en composant avec le secteur privé, ils doivent envisager la généralisation des méthodes et procédures de la carte scolaire. Tout en recherchant la justice distributive, la carte s’intéresse particulièrement à l’aire de recrutement des élèves et aux normes  de construction et  prône une école de proximité  par rapport à la mairie de la zone  c’est-à-dire, un élève ne peut parcourir plus de six kms à  pied pour se rendre à son établissement scolaire.

Pour faire de la carte, on doit identifier une zone pilote ou unité administrative soit un district scolaire soit une commune représentative en termes d’effectifs scolaires et d’activités socio- économiques. On construit la carte et après  on la généralise aux autres districts scolaires (plus de 96).

Selon Mme CAILLODS de l’IIPE-UNESCO, nombre de pays de l’Asie et de l’Afrique comme la Thaïlande, la Tunisie et le Maroc ont pu faire d’énormes progrès en matière de scolarisation universelle et du secondaire des filières grâce à  l’implantation de la carte scolaire. Quand la France a voulu vers les années 60 avec le Ministre de l’éducation Christian Fouchet prolonger la scolarisation obligatoire jusqu’au premier degré de l’enseignement secondaire correspondant au collège, il lui a fallu utiliser les normes et les procédures techniques appelées encore « carte scolaire ». Maintenant, la carte en France favorise non seulement une école de proximité  mais aussi elle sert à  recruter des enseignants de la zone.

Il faut souligner en outre,  que l’Etat français à travers son système d’éducation  qui est mi- déconcentré et mi- décentralisé construit trois cartes scolaires. Il y a une carte des écoles maternelles et primaires, déterminée par le conseil municipal, une carte des collèges par le conseil général du département et la carte scolaire des lycées  par l’Etat central.

Les tentatives d’implantation de la carte

Chez nous, lors de la mise en œuvre de la reforme Bernard et de celle du PNEF, des tentatives ont été faites pour l’implantation de la carte surtout à Jacmel comme expérience pilote. Le ministère a fait venir des experts français et africains en carte scolaire comme Kassem Bensala et Jocelyne Castelli. Entretemps, des difficultés de toutes sortes ont surgi, le projet n’a pas eu de grand progrès mais les acquis de cette tentative sont là, on n’en a bénéficié pour nous servir d’expérience. Et toute expérience, comme dit Bergson, est connaissance.

Bien au contraire ! La carte scolaire n’est ni  cartographie scolaire ni Atlas scolaire. C’est plutôt un ensemble de principes et de techniques utilisées au niveau local pour planifier les besoins futurs d’éducation et les moyens à  mettre en place pour répondre  à  ces exigences. Outil de mise en œuvre des politiques éducatives au niveau départemental, la carte scolaire prône dans son essence une école de proximité.

Et son principe cardinal étant: «  pas de demande potentielle d’éducation, pas d’implantation d’école dans le village ou dans la zone ». Je pense que les cadres du ministère devraient avoir un discours plus structurant sur cet outil d’aide à la  planification et à la gestion de l’éducation qu’est la carte scolaire ayant fait le bonheur des pays de l’Europe  et ceux  de l’Afrique vers les années 60 en plein phénomène des baby-booms et de la vague de décolonisation des pays asiatiques et africains.

Les étapes de la carte scolaire

A part les facteurs d’ordre démographique, pédagogique, politique, géographique et économique à prendre en compte lors de sa préparation au niveau de la micro planification, la carte scolaire selon l’équipe de l’Institut International de Planification de l’Education de paris, comporte dans son élaboration trois (3)  grandes étapes à savoir : le diagnostic du système éducatif  au niveau local à  l’année de base du plan, la projection des effectifs scolaires et la réorganisation du parc scolaire ce que nous  appelons   la carte prospective de cinq ans avec toute une série  de propositions dont  les unes sont plus pertinentes que les autres :

1- Le diagnostic du système éducatif  au niveau local  à l’année de base du plan pendant cinq (5) années pour parler de la couverture et de la participation des enfants à  l’école, de rendement interne  et des services éducatifs offerts dans la zone en termes de taux brut et net de scolarisation, de taux d’admission en 1ere année d’études, de taux d’achèvement, de taux de transition, le nombre d’écoles ayant un seul cycle, ayant les deux et même les trois cycles du fondamental, les établissements ayant le nouveau secondaire ainsi que des taux de flux, des taux de transition d’un cycle a un autre, le pourcentage d’enseignants qualifies, le rapport écoles/inspecteur, le ratio élèves/maitre, le ratio élèves/manuel, la plage-horaire, le taux d’utilisation de l’espace, les établissements fonctionnant en double vacation, pourcentage d’écoles ayant une cantine ou une cafeteria, le budget de l’école.

Et  aussi pensait-on aux différentes filières de la formation professionnelle et au taux de diplomation et ses effets d’entrainement.

2- La projection des effectifs scolaires pour parler de l’estimation de la demande en termes de démographie entre deux recensements de la population et de projection des effectifs proprement dite. La scolarisation de base s’organise tout particulièrement en lien direct avec la population. Et la préparation de la carte nécessite donc la collecte et l’analyse des données démographiques locales.

Ces données serviront à faire le diagnostic de la couverture du système éducatif à l’heure actuelle. Elles serviront aussi à estimer la demande potentielle future d’éducation. C’est sur la base de données de population projetée que seront préparées  les projections des effectifs. Quant aux aspects  de la démographie de la planification de l’enseignement, le spécialiste Ta Ngoc Chau de l’IIPE propose la méthode d’interpolation de Sprague qui est fondée non seulement sur l’effectif des groupes d’âge considéré, mais aussi sur l’effectif des deux groupes qui le précèdent et des deux groupes qui le suivent.

3- La réorganisation du réseau scolaire ou carte prospective. Il faut revoir les normes de construction d’écoles  en termes de taille minimum d’établissements du fondamental et du secondaire et de nombre de kms à parcourir par les élèves pour atteindre le site scolaire et l’aire de recrutement des élèves par rapport à  leur maison d’habitation. Les normes ne sont autres que les principes  à respecter lors de la préparation de la carte prospective. Pour Haïti, la Direction du Génie  Scolaire peut partager les normes des établissements en termes de normes de construction, de taille de classe et  de ratio élèves-classe etc.

L’aire de recrutement d’un établissement scolaire, c’est la zone géographique desservie par une école. Si par exemple, un grand nombre d’enfants parcourent chaque jour des kms à pied, on doit étudier la possibilité de créer de nouveaux établissements ou d’organiser du transport. De surcroit, si  de nombreux élèves jugent que  l’école  proche de leur domicile n’est pas de qualité par rapport aux écoles éloignées, l’État doit envisager des mesures pour égaliser les conditions d’enseignement dans la région.

Les techniques de localisation de l’offre sont très compliquées dans la mesure où ça  peut varier selon la topographie de la zone surtout en Haïti. Toutefois, nous retenons quelques paliers savoir : – estimation du nombre d’élèves à  scolariser – déterminer la capacité d’accueil des établissements existants et leur aire de recrutement – implantation de nouvelles écoles -estimation des besoins en locaux et en  enseignants – comparaison des couts et avantages de différentes  propositions.

Le SIGE à finaliser

La carte scolaire et le système d’information sont corrélés dans la mesure où ils marchent de pair c’est comme le hardware et le software comme je disais tantôt. Les enquêtes annuelles et la préparation de la rentrée scolaire sont des éléments de la carte  pour alimenter en données le SIGE ou EMIS (Educational  Management Information System).

A partir de ces informations présentées sous forme de tableau de bord dans un cadre de veille stratégique, on peut faire une bonne administration du secteur qui devient de jour en jour un animal géant en raison de la diversification de l’offre et de la demande d’éducation et sans nier le poids du secteur non public  dans le marché éducatif et qui produit des effets d’entrainement puisque un nombre important de marchands vivant de l’école.

Le Ministère de l’éducation à travers sa structure  de  planification a des données de 2010 à 2016 et celles  estimées  jusqu’à 2019 comme l’existant par rapport à la photo du parc scolaire. Sa dernière enquête remonte à 2016 pour l’enquête- papier et 2015 pour l’enquête  numérique. Et on sait que les statistiques vivent de l’extrapolation des tendances passées. Quitte à ce que le ministère réalise  l’enquête prochaine afin de pouvoir actualiser ces données.

En raison d’absence de données sur la population scolarisable de l’IHSI, la planification  a eu du mal à calculer les indicateurs  en termes  de taux d’admission en 1ère année d’études  et du taux net de scolarisation à éclater au niveau régional selon le statisticien Nandy  DENIS (CTPEA/IIPE-UNESCO). Ainsi que du taux de survie de 5ème année comme espérance  de vie scolaire pour parler de l’efficacité  interne.

____

Yves Roblin | A suivre 

Author

  • Yves Roblin

    Professeur d’universités | Spécialiste en planification de l’éducation | Ex-boursier de l’État Haitien à l’UNESCO-Paris | Auteur du livre : Les grands axes en matière d’éducation en Haïti | Mail: roblinyves@yahoo.fr

Voir plus d'articles
Voir plus d'articles par Yves Roblin
Voir plus d'articles dans GOUVERNANCE
Les commentaires sont fermés

Voir aussi

Dix (10) outputs pour l’efficacité du système éducatif haïtien selon une approche systémique

La systémique propose d’analyser une situation dans sa globalité, en opposition à la…