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Côte-à-côte avec la mort

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Nous vivons au côté de la mort tous les jours. Elle occupe chaque coin de rue de notre pays. Elle se trouve dans chaque maison. Elle compte des milliers d’agents à son service. Mais le meilleur de tous ses agents, c’est l’état. Un état cannibale, un état « Ti sousou » qui nous met dans tous nos états. Et nous  nous complaisons dans cette situation de misère, d’insécurité sans borne.

L’état nous vole nos sœurs, nos frères, nos mères, nos pères, nos amis. Nous restons là comme des zombis en mal de sel. Nous restons là à regarder mourir Me Monferrier Dorval, à regarder des mains bâtardes exécuter lâchement Grégory Saint-Hilaire, à regarder des hommes à tête de monstre violer, battre, tuer ensuite Evelyne Sincère. Cette jeune lycéenne de vingt-deux ans qui essayait de sourire à la vie, qui essayait de dessiner ses rêves malgré les conditions difficiles dans lesquelles le pays patauge, la jeunesse s’embourbe.

Nous sommes là et nous nous disons que tout va bien. Mais les assassins sont devant nos portes. Ils sont dans nos maisons. Ils sont plus « président que le président lui-même ». Le président est à leurs bottes. Ils ont l’état à leur service. Détrompez-vous, ce n’est pas l’inverse.

Ces assassins sont les nouveaux dieux d’Haïti. Ils n’ont peur de rien. Ils ont la bénédiction de Tonton Sam. Plus le sang coule dans nos rues, plus on est contrôlés.

Nous nous promenons tous les jours dans des rues-cimetières avec la peur au ventre. Nous avons peur de parler. Nous avons peur de nous soulever. À genoux, nous sommes plus confortables. Nous faisons de la soumission notre manteau préféré. Nous allons tous mourir. Voulons-nous mourir soumis ou voulons-nous mourir les armes à la main, le front altier, l’âme fière? Voulons-nous attendre que cette république de gangs armés nous crèvent comme des chiens errants sous l’œil passif de l’international? Sous l’œil passif des organisations internationales des droits humains? Merde! Que disons-nous? Organisations internationales des droits humains! Elles n’ont rien à foutre de nos droits. Plus nos droits sont violés, plus elles ont leurs raisons d’être. Honte à elles!

Aujourd’hui, il est plus qu’important que nous marchions au côté de nos morts. Au côté de Me. Dorval, au côté de Grégory, au côté d’Evelyne Sincère. Marchons pour nous donner justice. Marchons pour que la mort fasse place à la vie. Marchons pour que la marche du soleil continue dans les contrées d’Haïti.

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Stanley Laferrière | stanleylaferriere01@gmail.com

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