Accueil ACTUALITÉS 20 propositions pour la mise en oeuvre du Plan Décennal d’Education et de Formation 2020-2030

20 propositions pour la mise en oeuvre du Plan Décennal d’Education et de Formation 2020-2030

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  1. A part le pilotage stratégique du secteur avec le SIGE[1], la bonne gouvernance se résume ainsi : le cadre légal, la base de données et le monitoring des programmes et sous-programmes d’un plan s’appuyant sur la prospective. En ce sens, un avant-projet de loi de l’éducation doit être élaboré et que le Ministère de l’éducation à travers le Gouvernement l’achemine au Parlement aux fins d’entérinement. A partir de la publication de cette loi dans le Journal Officiel (Le Moniteur), on peut envisager de grandes politiques publiques en éducation que ce soit en matière d’accès des enfants à l’école et que ce soit en matière de qualité de l’enseignement.
  2. Deux outils à finaliser pour permettre au Ministère de sortir du cadre anomique savoir : la nouvelle loi organique du Ministère de l’éducation et le manuel de procédures des DDE. Dans la mise en œuvre du Plan, chaque entité doit avoir ses attributions. On doit éviter l’empiètement sur les attributions. Encore, « à chacun son métier, les bœufs seront bien gardés ». Et ce vieux proverbe vernaculaire devient par la suite une banalité « kabrit gen anpil mèt mouri nan kòd ».
  3. L’activation du projet de construction du Ministère de l’éducation est tout aussi importante pour un cadre de travail agréable et productif aux fins de l’atterrissage du plan. Après le séisme, nous avons trop de sites éparpillés pour des montants faramineux. Peu importe que ce soit les fonds des Agences d’aide comme la BID sur le terrain qui ont été mobilisés pour la finalisation de ces transactions avec des opérateurs privés de la filière immobilière en Haïti.
  4. Une carte prospective à envisager à l’année de base T0 (2021-2022) du Plan pour suivre le flux des élèves au niveau local (DDE) et faire le scenario des effectifs scolaires pendant un nombre d’années. Le secteur privé est très fort (80%), on doit penser à des solutions à géométrie variable. Pour ainsi dire, un cadre de partenariat solide avec ledit secteur est nécessaire pour l’optimisation des ressources. Ici, l’ONAPE (loi du 19 novembre 2007) peut jouer un rôle important.
  5. La réhabilitation du comité de pilotage du SIGE (Coopération UNESCO) pour que les responsabilités soient bien définies en matière de collecte de données et de Système d’Information avec des indicateurs valides aux fins d’un pilotage stratégique du Plan décennal d’Education pour le bonheur des usagers du Secteur. Nous devons en profiter pour créer un cercle vertueux de bonnes pratiques en matière de données fiables et valides aux fins de meilleures allocations de ressources au niveau de la micro planification (DDE).
  6. Un choix judicieux à faire dans le cadre de l’analyse coût-bénéfice, quelle orientation imprimer au Plan d’éducation puisque nous sommes dans la planification stratégique ? Les dernières statistiques révèlent que les pouvoirs publics et les partenaires sur le terrain ont pu satisfaire la demande sociale des familles particulièrement au niveau de l’enseignement de base au regard du Taux Net de Scolarisation (TNS : 88%). Maintenant, à travers un enseignement efficace (ODD4), il faut mettre le cap vers la satisfaction des chefs d’entreprise dans la perspective de réduction du taux de chômage et par transitivité de la pauvreté des familles. Ceci s’inscrit dans une démarche de meilleur rendement externe pour répondre aux finalités de l’éducation dont l’aspect socio-économique. Voire l’approche -main d’œuvre ou la méthode de l’emploi qui considère l’éducation comme un bien économique. Et qu’on calibre les diplômés pour le marché de l’emploi. Sans vouloir reléguer au second rang l’aspect d’humanité des finalités de l’éducation en termes de vivre-ensemble, de socialisation, de responsabilisation, d’imputabilité, de l’amour de la patrie et de respect des biens d’autrui.
  7. Eu égard au renforcement des capacités institutionnelles, les Directions Départementales d’Education (DDE) doivent régionaliser le plan pour pouvoir suivre l’évolution de l’offre et la demande d’éducation ainsi que les cohortes scolaires par la méthode de flux en termes de redoublement et d’abandon. Le Ministère de l’éducation par le biais de la task force UCDDE-DPCE-USI active le dossier d’implantation du Service de Planification et de Technologie. Ce service dans les DDE va faire entre autres la photo de son département scolaire à chaque rentrée des classes pour orienter les politiques publiques en éducation et de faire le monitoring du calendrier scolaire aux fins de respect du nombre de jours de classe exigé selon les normes internationales (200 jours). Pour Haïti, c’est 189. Je pense qu’en amont et en aval les syndicats doivent s’impliquer dans le monitoring du plan décennal et du calendrier scolaire en vue d’éviter des grèves sauvages et des manifestations intempestives au niveau de l’enseignement public.
  8. Un audit institutionnel est nécessaire pour une meilleure gestion du Plan et pour l’optimisation des ressources allouées. En ce sens, il faut dépister tous les employés dont la formation n’est pas en adéquation avec les postes occupés. Et qu’on les recadre à partir d’un travail efficace et efficient du SIGE dans le cadre du projet d’assainissement enclenché par la task force MENFP-OMRH-MEF.
  9. Il faut penser aux contreparties de l’Etat haïtien dans les projets financés par les Bailleurs de fonds. Pour renflouer  le Trésor Public, les planificateurs se doivent d’adopter des stratégies en proposant aux décideurs de prélever un quantum de taxes sur l’alcool, la cigarette, le voyage d’agrément ainsi que sur les routes neuves comme droit de péage. De surcroit, il faut faire appliquer la loi sur le fond National d’Education (FNE) qui veut qu’on régularise les taxes sur les appels téléphoniques ($ 0.5 US) et les transferts d’argent ($1.5 US) de l’étranger, destinées originellement vers le financement de l’éducation.
  10. Dans le pilotage du plan, nous devons nous référer aux feuilles de route de différentes assises internationales dont celle des Objectifs de Développement Durable (ODD) avec leur horizon temporel 2030 qui prévoit l’émergence de nombre de pays en développement comme le nôtre. Sans oublier les lacunes et les avancées de différents plans, programmes et projets d’éducation mis en œuvre en Haïti dans des contextes de planification noyés dans des crises récurrentes, nées du non-respect du temps électoral. Citons entre autres : la Reforme Bernard (1979), le PNEF (1997), la Stratégie Nationale de l’EPT (2007) et Plan Opérationnel (2010). Ce qui pousse les observateurs avisés à se poser la question « A quand la réforme de l’éducation en Haïti » Et moi, je renchéris pour dire «  Peut-on planifier un système d’éducation dans un contexte marqué par de l’incertitude croissante »
  11. Peu importe d’un plan à long terme de type décennal, il faut penser toujours à un cadre logique et un tableau de bord pour pouvoir prendre des décisions qui s’imposent en dépit des aléas politiques, sanitaires et naturels voire des questions épineuses des bonnes pratiques. Faut-il bien diminuer les tracasseries et les lourdeurs administratives sans nier un assouplissement des conditionnalités des agences d’aide sur le terrain optant pour l’approche-programme comme la BID et la Banque Mondiale.
  12. Dans les négociations avec les agences d’aide, le Ministre doit inviter les Présidents des commissions de finance des deux chambres ainsi que celles de la Présidence et de la Primature s’occupant de l’éducation. Pour éviter toute forme de blocage lors du dépôt des accords de prêt en éducation au Parlement par le Gouvernement (article 276.2). Et un protocole d’accord doit être signé entre le MPCE, le MEF et la BRH pour le décaissement des fonds en provenance des bailleurs de fonds particulièrement sous forme d’appuis budgétaires.
  13. Un dispositif mixte (Cabinet-DG) doit être mis en place pour traiter non seulement avec les Agences d’aide sur le terrain mais aussi pour faciliter les rapports avec les Directions Techniques (DT) et les Directions Départementales d’Education (DDE).
  14. Pour collecter et traiter les rapports des chefs de projet d’éducation au regard du Plan, le Ministère accompagne la Direction de la Planification dans sa restructuration pour le renforcement de son Service de Suivi et Evaluation.
  15. Des structures de communication devant être mises en place : un centre de documentation, un portail de l’éducation, un dispositif pour la production, une interface pour la signature de documents et le décaissement de fonds. Voire une entité de veille stratégique pour ainsi dire un conseil national de l’éducation avec l’Inspection Générale et l’ONAPE est à envisager.
  16. Selon la loi du 19 novembre 2007, l’ONAPE développe des mécanismes pour solidifier le cadre de partenariat public-privé pour une gestion assurée dans le cadre du pilotage du Plan décennal d’Education et de formation. .
  17. Dans le Comité Technique de Pilotage de notre Plan d’éducation, le Directeur de la Panification de l’Education du Ministère y revendique sans faux-fuyant une place de choix (en raison de la production des statistiques scolaires et l’analyse) pour démarquer l’Institution éducative de l’ornière de la gestion de l’urgence pour embrasser la prospective aux fins d’impact sur la communauté éducative.
  18. Des indicateurs à préparer en perspective de la rentrée scolaire 2021-2022 aux fins de photo du parc scolaire. Aussi pensons-nous aux indicateurs économiques avec la mise en place d’un observatoire de comptes nationaux pour suivre la tendance du financement international en dépit de la pandémie de la covid-19 et la part du PIB ou du budget national allouée au secteur ainsi que l’évolution des prix courants et constants et les couts récurrents générés par des projets financés par les Agences d’aide.
  19. Une structure nationale de statistiques est à envisager avec l’UNESCO et l’IHSI pour réhabiliter la filière statistique de l’éducation en Haïti en regard de l’objectif ODD4 et ceux de la CARICOM. Et un travail conjoint avec l’IHSI est également à organiser en ce qui a trait à la population scolarisable de 0-5 ans pour le calcul des indicateurs des taux de couverture et de participation (taux d’admission et taux de scolarisation) y compris des enquêtes régulières, élément de la carte scolaire pour alimenter le SIGE/EMIS avec des données valides et opportunes. Notons que le 5eme recensement général de la population est prévu pour l’année 2020-2021, selon M. Guy Serge POMPILUS. Pour info : 1er recensement de la population : 1950, 2eme : 1971, 3eme 1982 et 4eme : 2003. Les deux structures étatiques (IHSI-DPCE) vivent de l’extrapolation des tendances passées, point d’orgue des statistiques voire de l’analyse multidimensionnelle.
  20. Des mécanismes à développer afin de mettre en place un secondaire général et un secondaire technique en perspective d’un meilleur rééquilibrage entre l’offre de formation et la demande du marché de l’emploi. Et des modules à élaborer comme ceux de PME, de gestion et d’entrepreneuriat conduisant à l’auto-emploi pour l’enseignement technique et professionnel (INFP) ainsi que pour l’enseignement supérieur (UEH-UPR-Universités privées) et pourquoi pas pour des structures non formelles comme le post-alpha (SEA-ONG-IDEJEN).

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Prof. Yves ROBLIN,

Spécialiste en planification de l’éducation

Ex-boursier de l’Etat a Paris

Directeur de la Planification de l’Education.

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En appendice

Les Axes d’intervention du Plan décennal

Le 1er grand objectif ou axe concerne la couverture et la participation des enfants à l’école. Il vise l’atteinte de la scolarisation universelle de tous les enfants en âge d’admission (6-11 ans) à l’horizon temporel  2030. Cela est en congruence avec les différentes feuilles de route des Assises internationales que ce soit Dakar que ce soit l’Objectif de Développement Durable (ODD4) prônant l’efficacité de l’enseignement voire la gratuité et l’obligation.

Le 2e axe intéresse au premier chef l’amélioration de la qualité de l’éducation. Cela doit passer par la formation initiale, continue et en cours d’emploi des enseignants. Cela doit passer aussi par la dotation des écoles en matériel didactique particulièrement en manuel scolaire et la dotation en cantine ou cafeteria et sans oublier l’accroissement  de la  pertinence pour répondre aux exigences  du marché de l’emploi.

Et le 3e axe d’intervention c’est le renforcement de la gouvernance dont le point d’orgue c’est la base de données du SIGE, alimentée par la collecte dans les dix (10) DDE via 96 BDS avec la carte scolaire-micro-planification tout en composant avec le secteur privé d’éducation (80%) à travers l’ONAPE et la DAEPP. Y compris le monitoring des programmes et projets s’inscrivant dans le cadre du Plan d’éducation.

En outre, la DPCE a déjà travaillé sur le diagnostic du secteur  en faisant la photo du parc scolaire, issue de l’enquête scolaire 15-16, avec une extrapolation des tendances passées jusqu’au 19-20

Avec une population haïtienne d’environ 12 millions d’habitants (IHSI/MEF) dont  plus de 4 millions d’élèves, quelques 122.000 enseignants et environ 20.000 écoles (DPCE/MENFP), nous avons enregistré un taux net de scolarisation de plus de 88% pour l’enseignement de base et environ 25% pour le 3e cycle et Secondaire. Sans omettre la performance de la petite enfance avec un taux de participation des enfants de 60% dans le Maternel. Y compris un taux de qualification de 35% chez les enseignants de l’enseignement de base (1er et 2eme cycles). A l’analyse, les familles aidées de la Diaspora, les ONG et l’Etat mobilisent beaucoup de ressources pour avoir ces résultats, surtout au niveau du Fondamental. .Toutefois, avec les tensions sociales sévissant dans le pays, cela va accentuer la déperdition scolaire ou le taux d’abandon et également en raison de la pauvreté des parents d’élève ou la cherté du droit de scolarité. .

Répartitions des effectifs des élèves (2019-2020), nombre de salles de classe nécessaires et disponibles par secteur selon le département pour le niveau des deux cycles du fondamental
Départements Effectif Nombre de salles nécessaires

(en moyenne 40 élèves par classe)

Nombre de salles disponibles Besoin en salles de classe
PUBLIC NON PUBLIC TOTAL PUBLIC NON PUBLIC TOTAL PUBLIC  PUBLIC
OUEST 94273 883984 978257 2357 22100 24457      1,755 602
SUD-EST 55689 86330 142019 1393 2159 3551           –
NORD 90133 201411 291543 2254 5036 7289      1,841 413
NORD-EST 37132 69767 106899 929 1745 2673         732 197
ARTIBONITE 83349 361973 445321 2084 9050 11134           –
CENTRE 69147 175895 245042 1729 4398 6127         724 1005
SUD 52381 126903 179285 1310 3173 4483           –
GRAND-ANSE 55159 77915 133074 1379 1948 3327      1,245 134
NORD-OUEST 55694 150333 206027 1393 3759 5151         837 556
NIPPES 25851 56009 81860 647 1401 2047           –
TOTAL 624105 2185222 2809327 15603 54631 70234      7,134 8469

Source: MENFP/DPCE données de l’année académique 2019-2020 à partir de l’enquête 2015-2016

[1] Système d’information et de Gestion de l’Education  ( SIGE)

Author

  • Yves Roblin

    Professeur d’universités | Spécialiste en planification de l’éducation | Ex-boursier de l’État Haitien à l’UNESCO-Paris | Auteur du livre : Les grands axes en matière d’éducation en Haïti | Mail: roblinyves@yahoo.fr

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