Par : Florince FRAGILE,
__________________
Madame, Monsieur,
Rien à vous offrir que quelques morceaux de craie pour manifester notre reconnaissance à votre égard. Une plume, un cahier de préparation de leçons ou du moins, des matériels didactiques afin de mieux vous présenter en salle de classe pour continuer votre tâche de guide à nos enfants qui se préparent pour devenir technicien, médecin, agronome, pharmacien, secrétaire, ingénieur, policier, avocat, parlementaire, Casec, maire, ministre ou président demain…
Cher-re professeur-e, vous êtes le seul (la seule) à pouvoir former le caractère des femmes et des hommes de différentes progénitures. Il est un impératif que vous devriez vous consacrer à travailler rudement et définitivement à cette carrière. Peu importe le danger qui y est encouru; Peu importe une pitance considérée comme salaire de tuberculose, ne vous inquiétez pas. Advienne que pourra. Si vous mourez dans l’exercice de cette fonction, on fera une quête; on passera une corbeille. Un bon marathon aidera à chanter de belles funérailles pour vous, cher-re professeur-e. Et, vous serez très content-e là où vous êtes logé-e dans votre cercueil orné entouré de couronnes, de gerbes de fleurs déposées sur votre pierre tombale. Plusieurs personnalités de toutes tendances viendront vous dire un dernier Adieu.
Et pour le reste, ne vous en faîtes pas de soucis. La vie continuera pour votre famille. Dieu est bon. Leur père de famille, en bon patriote, a travaillé pour la patrie au péril de sa vie. Et, Cela suffira pour consoler la famille. Si vos enfants n’ont pas d’avenir, la nature les prendra en charge et vous ne saurez rien. Les morts sont innocents dit-on. Il n’y a ni de souffle, ni moelle dans les narines des fantômes. Oui, votre enfant connaîtra peut être la servitude après votre départ pour l’orient éternel. Il n’aura qu’à choisir entre vivre dans le cercle vicieux en Haïti ou connaître la misère, le désespoir, la déception, la déportation et l’humiliation en terre voisine. Car, il n’aura pas d’autre possibilité que de traverser la frontière de façon illégale. Question de trouver un prétendu mieux-être.
Par manque de surveillance, il s’était livré à la rue sous la pression exercée par l’influence des autres jeunes qui ont déjà connu l’échec. Et, par curiosité ou par folie prétextant qu’il n’a pas peur, qu’il est fort, il est un bon gentleman; Il est tombé dans un piège, une situation de non-retour. Au final, Cher-re professeur-e, votre famille sera dispersée. Votre noble nom sera effacé dans les archives des écoles et dans la mémoire de la société. Votre nom ne sera figuré nulle part dans la liste des célébrités ; même si c’est vous qui avez ouvert la voie aux autres. Mais vous n’êtes pas de la liste des personnalités importantes à honorer.
De toute façon, ce 17 mai, c’est le seul jour qu’on vous a consacré.
Demain 18 mai, ce sera la fête du drapeau et de l’université. On fêtera le drapeau symbolisant la fierté haïtienne que vous avez appris aux enfants d’aimer… On célébrera grandissement l’université où vous êtes encore professeur-e. Mais on ne dira rien pour vous. Vous qui leur apprenez à mieux fixer les choses dans l’esprit. Vous qui êtes à la base de leur formation. Vous serez déjà oublié. Rendez-vous l’année prochaine.
Cher-re professeur-e, vous qui êtes un-e conseiller-e, un guide , un père de famille, une mère de famille, un-e ami-e, un-e confident-e …. un non considéré de la société; un laisser pour contre, si vous lisez cette lettre, consolez-vous, car c’est l’un de vos élèves qui, également, devenu enseignant qui vous l’a envoyée. Il connait le même sort que vous. Malheureusement professeur –e, vous êtes né dans un pays où les plus bonnes choses ont le pire destin !!!
Merci.
___________________
Florince FRAGILE
Un enseignant vivant en Haïti
Tél : +509 3287 7127
_______________________
A l’occasion de la journée nationale des enseignantes et enseignants | 17 mai 2021