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Quel avenir pour les élèves déficients intellectuels en Haïti ?

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Par: Paul-Mildrède BOTÉLUS

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De nos jours, dans les écoles haïtiennes,  nous rencontrons beaucoup d’élèves en difficulté constante avec les notions de grammaire, d’orthographe, de calcul et de lecture. Les enseignants, pensant que c’est un problème passager et n’y prêtent pas assez d’attention. Les parents à bout, s’étonnent de voir leurs enfants échoués avec de faibles notes.Certains attribuent toute la faute à l’enfant pensant que ces faibles notes viennent du fait qu’il ne veut pas étudier. Pour les parents, il le fait exprès mais le laissent quand même à l’école et continuent à le booster. D’autres trouvant que c’est une perte de temps, un gaspillage d’argent. Descolariser  l’enfant complètement. Pour eux, cet enfant est un « tèt di » , un « Fèt tou sòt »,  un « egare » qui ne pourra jamais rien apprendre, et ceci même à l’école l’élève reçoit le même traitement.  Il est exclu car il ne peut garder le même rythme que les autres.  Il ne parle pas vite, passe beaucoup plus de temps sur ses exercices, ne peut lire ni écrire comme il le devrait. Ainsi il devient la risée de sa classe, accompagné de tous les noms possibles. Cependant, ce problème n’est pas mentionné dans nos écoles, lorsqu’on parle des différents problèmes rencontrés à l’école on voit surtout ceux de l’immobilier, du mobilier, de l’environnement scolaire, de la gestion de classe… etc.

mais qu’en est-il de la déficience intellectuelle ? Qu’en est-il de ces élèves qualifiés de « tèt di » et  de « sòt » ?

Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS) la déficience intellectuellese définit comme la capacité sensiblement réduite de comprendre une information nouvelle ou complexe, et d’apprendre et d’appliquer de nouvelles compétences. (Trouble d’apprentissage).  C’est un problème complexe qu’on ne peut prendre à la légère et qui mérite d’être dépisté dès la petite enfance afin de fournir l’accompagnement et la scolarisation nécessaire à l’enfant car contrairement aux autres déficiences,  la déficience intellectuelle ne peut être compensée par aucune aide technique.

En Haïti, on pourrait dire que la déficience intellectuelle est un problème quasi- inexistant, si on se fie au mutisme des différentes institutions concernées et pourtant c’est un leurre.  Elle existe et gagne de plus en plus de terrain. Ce problème n’est pas seulement l’affaire de l’élève, mais c’est aussi l’affaire de la famille, de l’école et aussi de la société. L’école est la première concernée, c’est à elle d’orienter les parents sur le problème car la plupart de nos parents haïtiens sont dans l’ignorance totale, ils ne savent pas comment accompagner l’enfant et ne possèdent même pas les ressources économiques nécessaires pour le faire suivre par un spécialiste. Ils finissent alors par le négliger, l’isoler et le déscolariser.  L’enfant devient parfois un « restavèk », un laisser pour compte à la disposition de tous.

Malheureusement, nos écoles ne peuvent exercer ce travail auprès des familles car même à l’école l’ignorance aussi est de mise. Nous rencontrons beaucoup de cas de déficience intellectuelle sans même le savoir, mais nos enseignants ne sont pas avisés sur le problème. Ils réagissent mal par rapport à ces élèves, donc il n’y a pas vraiment une bonne relation (enseignant-élève), le mode d’apprentissage n’est pas adapté, il est peu probable que l’élève assimile vraiment les notions vues en classe. Ils sont alors délaissés et partagés entre l’ennui, la solitude et la haine de soi. Bon nombre d’entre eux risquent de décrocher, ou encore de devenir violent. Ce serait le seul moyen pour eux de pouvoir s’affirmer devant les autres qui ne voient en eux que des ratés.

Pourtant, en Haïti l’actuel discours prôné, est une affaire d’éducation inclusive alors que dans nos écoles il n’y a rien d’inclusif. Il nous faut une alliance entre l’école, les enseignants et les parents : l’école doit organiser des séances de formations pour les enseignants, travailler avec les parents afin de les intégrer dans le processus d’intégration, sensibiliser la société à travers différentes activités. (Colloques, journées d’études..)

Cependant, rien n’est fait. Nos enfants déficients sont rejetés, accumulant ainsi des échecs dans tout ce qu’ils entreprennent car les parents à eux seuls ne peuvent les aider; ils sont exclus par leur famille et ainsi que par l’école qui devraient être pourtant les deux principales  institutions concernées par leur intégration.

Que font-ils alors ?

Ces enfants-là pour la plupart se jettent dans la société, une société non avisée, apeurée par la différence qui sera toujours dans l’ignorance de ce problème et qui leur réserve les pires traitements qui soient. Ainsi ils risquent de devenir une menace pour le pays car étant non appréciés, non supportés, non accompagnés, ils deviendront alors des victimes d’abus de toute sorte et d’autres risquent de créer leur propre moyen de survie, qui souvent ne sont pas les bons.  Alors pourquoi s’étonner si la délinquance juvénile en Haïti continue à gagner du terrain ?

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RUBRIQUE PAROLE LIBRE

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Paul-Mildrède  BOTÉLUS

Étudiante en Sciences de l’éducation,

Université INUKA

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