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Vers l’application du curriculum revisité au regard du Plan d’éducation et de formation du Ministère haïtien de l’Education

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Ce texte est élaboré en marge des Assises de Décembre 2020  sur la révision des programmes et des curricula et qui est inspiré des réformes éducatives du pays par rapport à l’Axe-gouvernance dont le curriculum est pour l’essentiel.

Aussi est-il une plus-value à  la réflexion qui s’alimente sur la problématique de l’école haïtienne quant à sa faible rentabilité ou du rendement externe du secteur. Aux fins de bonification, cette littérature est en fin de compte adressée au Coordonnateur technique du Cabinet du Ministre P. J. A. CADET, à  la Coordonnatrice Pole-qualité de la Direction Générale, Mme Larame-Josma, au Directeur de la DCQ, M. Aky Nicolas, aux Collègues de l’USI et de l’UTICE, ainsi qu’aux Collègues de l’Inspection Générale  et au Coordonnateur haïtien du Projet NECTAR/Agence Française de Développement.

D’entrée de jeu, je voulais me partager avec vous deux interrogations sur la politique curriculaire dans une conception behavioriste savoir :- quelles sont les finalités d’une politique éducative et, de surcroit – quels sont les buts de l’éducation dans un pays donné?

Les finalités sont le vouloir devenir d’une société. Elles expriment un projet de société orienté  vers le futur. Pour ainsi dire, ce que la société voudrait devenir dans 20-30 ans et plus. D’ordre philosophique, les finalités sont des principes-directeurs et correspondent à une affirmation de principes à  travers laquelle une société identifie et véhicule ses valeurs pour un système scolaire. Enfin, elles reflètent une certaine philosophie de l’éducation ou bien encore l’expression d’une politique éducative.

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Par exemple, « l’éducation dans une démocratie devrait développer chez chaque personne  les savoirs, les intérêts, les idéaux, les habitudes et les capacités grâce auxquels il se forgera une place et utilisera cette place pour améliorer la société et lui-même ». En ce sens, l’éducation doit produire des citoyens honnêtes et éclairés.

Les buts de l’éducation sont des énoncés définissant de manière générale, les intentions pédagogiques poursuivies par une institution à travers un programme pour un groupe de gens donné. Ils recouvrent les domaines d’intérêt, soit cognitif, affectif et psychomoteur. Ils introduisent dans le projet pédagogique la notion de résultat. D’autre part, ils ne précisent pas. Par exemple, « tous les élèves devront arriver à une parfaite compréhension de l’importance de l’hygiène à l’école, d’une nutrition adéquate et des exercices physiques essentiels au maintien de la santé ». Et aussi acquérir et développer des habiletés spécifiques à  l’utilisation de leur langue.

Une mission à accomplir

L’École haïtienne se donne pour mission de participer à la socialisation et à l’éducation de citoyens modernes nécessaires au développement intégré du pays. Le principal dispositif par lequel l’École effectuera ce travail demeure le Curriculum, qu’il s’agit désormais de réorienter pour permettre la construction d’un système d’éducation et de formation qui soit en adéquation avec les besoins de l’économie nationale voire du pays en général; d’une éducation de qualité appuyée sur un socle commun de connaissances et de compétences en termes de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-devenir  et de savoir-vivre ensemble. Et avec des compétences éprouvées à développer chez l’apprenant comme les compétences transversales (apprendre à apprendre et apprendre à entreprendre), comportementales (estime de soi) et transférables (communication).

Dans une approche psychopédagogique, nous devons arriver  à une école qui n’est autre qu’un construit de la conscience citoyenne, qui porte une pensée et qui travaille au modelage de l’anthropologie haïtienne, une anthropologie teintée de méfiance et de mysticisme nous empêchant de connaitre un niveau de modernité et de progrès social.

Un nouveau programme

Le nouveau curriculum se composera du cadre de réglementation de l’école, de programmes explicitant des contenus et méthodes organisés pour faciliter la réalisation des cycles d’études et la maitrise du socle commun de connaissances et de compétences  par tous les apprenants qui  s’y seront engagés. C’est ainsi qu’il sera revisité en fonction de la nouvelle vision imprimée par le nouveau  plan d’éducation. Autrement dit, les règlements, les objectifs, les contenus et les méthodes pédagogiques seront définies dans le curriculum et refléteront les finalités et la construction de la résilience du système.

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Dans cette politique, les diplômés du Fondamental et du Secondaire doivent maitriser à l’oral et à l’écrit, les langues de base savoir : le créole, le français, l’anglais et l’espagnol. Ainsi que les logiciels de travail comme le Word, l’Excel, l’Access et le PSSS. Ajouter à cela, des cours de PME, de gestion, d’entrepreneuriat et des cours de droits usuels pour les finissants du Fondamental et du Secondaire, ainsi que pour les centres professionnels et universitaires.

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Le rôle de la DCQ du Ministère

Pour ce faire, il est impératif que le Ministère  renforce l’ingénierie de sa Direction du Curriculum et de la Qualité (DCQ) dont l’une des attributions  est de définir et développer le curriculum de l’école et les programmes d’enseignement sans oublier l’homologation des manuels scolaires. La DCQ représente actuellement  pour le Plan décennal d’Education et de Formation  ce que l’Institut Pédagogique National (IPN), soutenu par la Coopération française, représentait dans le passé  pour la Reforme Bernard.

C’est elle qui traduisait les matériels didactiques dont le manuel scolaire en langue maternelle, juste pour s’assujettir  aux exigences de la loi de 1979 qui introduisait le créole dans l’enseignement en Haïti comme langue- objet et langue -outil. Pour ainsi dire, le premier cycle s’enseigne en langue vernaculaire et le français comme langue seconde avec la promotion automatique au premier cycle de l’école fondamentale. En règle générale, le Curriculum poursuit un certain nombre d’objectifs qui supportent les choix, les décisions et les actions en lien avec les finalités assignées à l’éducation. Il organise le travail à l’école et la vie scolaire. Il se fonde sur une vision inclusive et prospective de l’éducation, pour qu’elle contribue à l’épanouissement de tous ceux qui s’y sont engagés et au plein développement de la société.

Le Curriculum, assurant l’articulation entre les cycles et les niveaux d’enseignement, inclura la définition des profils de sortie des élèves à partir de la vision exprimée du citoyen dont souhaite se doter la société haïtienne à la fin d’un cursus rigoureusement fixé et de durée variable avec une plage- horaire acceptable.

Une radiographie avec des palliatifs

En regard de la radiographie du secteur où  sont décelées  toutes les pathologies dont  souffre le système éducatif haïtien comme la diglossie, la faible efficacité interne, le manque de matériels, la désuétude des programmes existants, la faible qualification des maitres, le poids du  privé, les reformes inachevées, l’inadéquation formation-emploi, l’absence d’activités péri et parascolaires, je pense qu’on peut avoir un préscolaire de deux (2) ans, cycle de socialisation et d’éveil, non obligatoire pour entrer en 1ere année du Fondamental ; sept (7 ans)  pour le cycle fondamental complet et  trois (3)  ans pour le Secondaire des filières,  au total 12 ans en partant du préscolaire à la fin du secondaire.

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Pour étayer ce point de vue, on a constaté  que  les mêmes thématiques  se répètent en 5e et 6e AF  ainsi qu’en 8e et 9eAF : Dans la logique de modernisation du système éducatif,  on peut avoir un Secondaire rénové de deux filières  s’échelonnant sur trois (3)  années  savoir : un Secondaire technique menant au  Marché  du travail et un Secondaire classique, à l’Enseignement supérieur  de niveaux  licence, maitrise et doctorat. Avec en marge une formation professionnelle en 1er et 2eme degrés et une éducation  non-formelle comme alternative au formel pour les déscolarisés, les enfants en domesticité, les mineurs en prison et les chômeurs. La justice distributive oblige.

Trop de temps à l’école.

Suis-je très provocateur et scandaleux, chers collègues, et  ne cesserai de répéter que  les élèves passent trop de temps à l’école. Ne peut-on pas parler de gaspillage de ressources. Plus de seize (16)  ans avec plus de quatre années d’université sans diversification de filières où  tout le monde se retrouve dans le classique-général. Les parents d’élèves s’appauvrissent en raison des études longues et du montant faramineux du droit de scolarité, tous niveaux confondus, de la petite enfance à l’enseignement supérieur en passant par la formation professionnelle.

Et pourtant, les enfants ne sortent pas avec grand-chose pour parler d’acquis de qualité sans  même un petit métier pour gagner leur vie en raison de la condition modeste et de surage voire leur entrée dans la population active de 15 à 60 ans. C’est un système qui est mis sous la sellette pour son inefficacité et son inadaptation avec la cherté des services éducatifs y compris des taux de redoublement et d’abandon  importants. En clair, pour son  faible bénéfice, social et individuel en regard des tensions sociales.

Des investissements pour quel bénéfice ?

En regard des ressources mobilisées par les pouvoirs publics et les familles aidées de la Diaspora sans omettre les appuis techniques et financiers des Coopérations et des Agences d’aide sur le terrain, on se demande perplexe pour quel bénéfice en termes de comportement des sortants du système éducatif dans la vie politique, sociale et économique ? Toujours est-il que nous nous sommes encore englués dans l’ornière des crises récurrentes, de la pauvreté dans les grandes villes, du chômage et de la précarité, des zones de droit et des dénonciations de concussions dans l’administration, du pullulement des cours des miracles ou des bidonvilles et de la fuite des cerveaux.

Une dualité sans le vouloir.

C’est un système éducatif marqué par une approche dualiste pour ainsi dire : confessionnel et laïc, secteur public-secteur privé, formel et non formel, droit public-droit privé, accrédité non accrédité, approches : behavioriste-socioconstructiviste, double rôle du Ministère de l’éducation : régulation et pilotage, évaluation formative-évaluation sommative, traditionnel-réforme. Peut-on parler d’équité dans un climat d’imbroglio, dans une situation de chaos et dans un contexte de planification morose? Toutefois, par rapport à l’analyse cout-bénéfice aux fins d’optimisation de ressource, un choix judicieux s’impose. Des programmes-projets à mettre en œuvre sous forme de scenarii ou faire de simulations en raison des incertitudes croissantes et des paramètres non maitrisables. C’est une stratégie vendable à expérimenter  pour Haïti.

Une Education Physique et Sportive avec le Ministère des Sports.

Dans la politique curriculaire, une attention soutenue sera donnée à l’éducation physique et sportive des élèves afin d’améliorer leurs potentialités d’adaptation motrice, d’action et de réaction à leur environnement physique et humain.

Comme les notions portant sur le sens du devoir et de la créativité, les notions essentielles des programmes de l’enseignement sur l’Education Physique et Sportive (EPS), décidés en concertation avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports et des Actions civiques, seront un élément du socle commun de compétences et de connaissances pour les ordres d’enseignement,  intéressés au premier chef le Fondamental et le Secondaire.

Sans nier l’éducation artistique et esthétique, il faut dire que les arts plastiques comme la peinture, la musique, le théâtre, la danse et l’artisanat sont des filières porteuses d’avenir et pérenne. Cela  a fait le bonheur des haïtiens et nous projetait  une belle image à l’extérieur au siècle dernier.

Face à la détérioration des termes de l’échange par rapport aux denrées comme le café, le cacao, la canne-a-sucre et la mangue, récemment,  et d’ailleurs nous n’avons pas grand-chose à offrir sur le marché  international sinon et encore les arts plastiques et les sites historiques pour drainer les touristes. Quitte à ce que nous résolvions nos différends politiques, nés souventes fois des problèmes électoraux. En d’autres termes du non-respect du temps constitutionnel pour le renouvellement du personnel politique.

On peut penser également à l’Initiation aux Technologies et aux Activités .Productives (ITAP), figurée dans le programme de l’école fondamentale et enseignée dans les EFACAP. La révision est de mise. Que ce soit l’EPS, que ce soit l’éducation artistique et esthétique et que ce soit l’ITAP, ces disciplines auront permis de préparer les années de tronc commun de la rénovation du sous-secteur du secondaire.

En guise de conclusion

Tenant compte du spectre de nouvelle vague du coronavirus et  sans nier l’enlisement de la crise politique, il faut revisiter en profondeur et je dirais même de façon abyssale, les programmes qui sont frappés d’obsolescence avec une bonne dose de numérique. Faut-il bien en profiter pour changer le paysage du secteur dans toute sa dimension.

Tout en innovant avec la plateforme numérique, les vidéos de cours, des cours on line de type Google class room, une nouvelle pédagogie est à envisager comme la classe inversée, expérimentée en Chine et en Europe comme alternative aux aléas politique, sanitaire et naturel.  Pour ainsi dire, les élèves  s’apprennent à la maison en mode virtuel de type homeschool grâce aux outils de high-tech et que les exercices et les évaluations se font en mode présentiel.

Références: 

  • Voir le Plan Opérationnel (2010-2015)
  • Réforme  Bernard de 1979.

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Crédit Photo : Olia Danilevich 

Author

  • Yves Roblin

    Professeur d’universités | Spécialiste en planification de l’éducation | Ex-boursier de l’État Haitien à l’UNESCO-Paris | Auteur du livre : Les grands axes en matière d’éducation en Haïti | Mail: roblinyves@yahoo.fr

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